Mit dem hier kann ich vielleicht dienen:
Jacques Vecker — Infréquentable ? Voire même nauséabond ?
Et pourtant je ne me sens nullement coupable, bien au contraire.
J’ai pris conscience que j’avais un gros avantage sur le Professeur
Faurisson, premier titulaire du Grand Prix de l’Infréquentabililité qui
lui a été décerné sur la scène du Zénith de Paris. Evidemment cet
universitaire, féru d’exactitude, s’est livré, des décennies durant, Ã
des recherches approfondies, s’est déplacé à travers le monde, a fouillé
les archives, a interrogé bourreaux présumés et victimes survivantes, a
compulsé, analysé, recoupé, révélé sans relâche jusqu’au dernier jour de
sa vie dans sa nonantième année. Je ne suis qu’un modeste disciple,
continuateur, « hommageur » de tout cœur, mais j’ai sur cet homme
remarquable un avantage : j’ai vécu dix-huit mois dans l’antre du
diable, au milieu des travailleurs du service du travail obligatoire
(STO), « sous-hommes » « esclaves » selon les contempteurs du Troisième
Reich.
J’ai tenté bien souvent et réussi quelques rares fois à présenter en
complément de celui des « victimes » le témoignage d’un autre type de
témoin, mais me suis heurté au refus le plus absolu d’entendre un autre
son de cloche. Et pourtant j’ai passé les dix-huit derniers mois de la
guerre, alors que la rage de survivre rendait tous les excès possibles,
au milieu de ces Allemands à qui leurs enfants reprochent les pires
reniements et que j’ai connus souvent dignes de respect, humains,
honorables. J’ai gardé de cette époque des souvenirs précis, des lettres
à ma mère, j’ai écrit un livre exact à la virgule près, j’ai recherché,
modeste Faurisson en herbe, rencontré, questionné, écouté, rectifié ce
que j’avais mal interprété. J’ai visité la plupart des lieux dits
mémoriaux. La question n’est pas de savoir si telle armée ou tel régime
ont commis des erreurs mais de considérer chaque être humain comme un
égal habité par le même désir de bien faire, plus ou moins attentif aux
injonctions de sa conscience. Si je m’exprime aujourd’hui, c’est pour
témoigner de ce que j’ai vécu à une époque injustement diabolisée.
Toute mon existence a été marquée par l’expérience du Troisième Reich,
aussi bien mon pacifisme résolu que mes idées politiques, mon souci de
justice sociale, de respect des droits et devoirs de l’homme. Imaginez
un instant – hormis le contexte d’une guerre cruelle – une communauté
qui respecte l’individu, le rémunère, le soigne gratuitement, lui
accorde tout ce que la culture peut produire. Je précise que j’avais
droit aux congés payés, à une formation (j’ai appris à réparer les
radios). Dans ma situation de « travailleur-esclave » de sous-homme, je
visitais les musées, je fréquentais les piscines, allais au concert ou Ã
l’opéra, mes copains « déportés » remplaçaient volontiers ces messieurs
sous l’uniforme aux quatre coins de l’Europe et se racontaient leurs
exploits près de la machine à café absente, avaient droit à des vacances
dans leur pays d’origine, recevaient des colis (j’appréciais les envois
de ma mère – figues sèches et huile d’olive – et cela à quelques mois de
la catastrophe finale). Les jeunes et jolies infirmières soignaient
chacun avec le même dévouement, qu’il vienne de Norvège ou des Balkans.
J’ai appris avec mes collègues à faire du ski, à jouer au tennis, oui,
dans cette ville allemande où les bombardements s’acharnaient sur la
population civile. Je n’ai pas un seul souvenir négatif de cette époque
et me suis récemment rendu compte que pas une seule fois durant ce
séjour « en pays ennemi », je dis bien pas une seule fois, je n’avais
été contrôlé par la police « vos papiers ! » de jour ou de nuit, en
ville ou à la campagne. J’ai été malmené par la suite mais par des
soldats américains, soviétiques, français....
Il fallait que cela fût dit, et redit !
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*Die Demokratie bildet die spanische Wand, hinter der sie ihre Ausbeutungsmethode verbergen, und in ihr finden sie das beste Verteidigungsmittel gegen eine etwaige Empörung des Volkes*, (Francis Delaisi).